Qu'est devenue la résidence des premiers ministres du Canada ?
La maison où vivait l'élite politique du pays est tombée dans un état de délabrement total. Découvrez son histoire dans notre reportage.
Il existe à Ottawa un immeuble situé au 24, promenade Sussex. Ses murs gris sont couverts de moisissures et son porche pourri est parfois jonché de cadavres de rongeurs. Cette maison sert à la fois de foyer, de toilettes publiques et de charnier aux rats et aux hamsters. Non, il ne s'agit pas de la description de l'immeuble monstrueux que le héros d'un film d'horreur doit acheter. Il s'agit de la résidence officielle des premiers ministres du Canada. L'histoire de ce lieu est à la fois triste et instructive — elle nous fait réfléchir à la structure de la société et aux raisons pour lesquelles les gens ne sont jamais satisfaits.
La maison du chemin Sussex a bien servi les premiers ministres du pays il y a 70 ans. Elle a été construite en 1868 sur les rives de la rivière des Outaouais pour un baron du bois. C'est ainsi que l'on appelait les personnes qui dirigeaient l'industrie du bois. La résidence n'a jamais eu d'autre but, contrairement à la Maison Blanche ou au 10 Downing Street. Ce n'était qu'une habitation, et non un lieu de réception officielle ou de travail pour les parlementaires. Des invités importants s'y sont rendus, comme la princesse Diana et Mikhaïl Gorbatchev. Mais elle était trop petite pour accueillir des banquets ou des délégations.
La dernière restauration de la résidence remonte à 1951. Aujourd'hui, les réparations coûteront environ 36 millions de dollars canadiens. La maison est littéralement pourrie de l'intérieur — la moisissure a rongé les murs, et les puits qui s'y trouvent ainsi que les chambres sont envahis par les rats, qui y chient et y meurent. Il arrive que des sans-abri ou des adolescents aventureux s'y introduisent. Lors des dernières intempéries, il a abrité des personnes prises dans la pluie verglaçante.
Justin Trudeau, qui a passé son enfance dans la maison, ne souhaite pas y retourner ni dépenser de l'argent pour la rénover. La résidence s'est finalement vidée après son élection en 2015. Il préfère vivre avec sa famille à Rideau Cottage, la résidence des gouverneurs canadiens et de leurs proches. Elle semble petite comparée au 24 Sussex Drive, qui compte pas moins de 34 chambres. L'actuel premier ministre a catégoriquement refusé d'investir l'argent des contribuables pour rénover la résidence. Il a laissé aux bureaucrates le soin de décider s'il fallait la reconstruire.
Le comportement de Justin Trudeau peut sembler irrespectueux de l'histoire du Canada et des anciens premiers ministres, mais il a des raisons plus importantes. Depuis l'époque de Brian Mulroney, tous les premiers ministres canadiens ont été sévèrement critiqués pour avoir tenté de rénover la résidence ou d'y investir. Dans la presse, toute modification de l'intérieur et de l'ameublement de la maison, même la plus nécessaire (par exemple, la réparation de la plomberie), a suscité une vague de protestations. Les Premiers ministres sont qualifiés d'extravagants et d'adeptes d'un luxe immérité, et on leur reproche de gaspiller l'argent du contribuable.
La dernière fois que Pierre Trudeau s'est "brûlé" en rénovant une maison, il a été sévèrement critiqué par les journalistes canadiens lorsqu'il a tenté de rénover la cuisine et le système de sécurité. Trudeau Jr. avait retenu la leçon de son père : il ne faut en aucun cas investir de l'argent dans une maison malheureuse, et mieux encore, ne pas y habiter, sous peine de s'exposer à la vindicte publique.
Paradoxalement, aujourd'hui encore, la relation du premier ministre avec la résidence suscite l'insatisfaction des Canadiens. Selon l'enquête, plus d'un tiers de la population pense que le bâtiment devrait être restauré. Un autre tiers pense qu'il serait préférable de le démolir et d'en construire un nouveau. Tous les autres sont indifférents à son sort. Historiens Canada estime que le bâtiment n'a pas de super valeur, mais qu'il constitue un vestige historique important dont il est urgent de se préoccuper. Selon eux, il s'agit d'un "embarras pour la nation" qui humilie le Canada aux yeux des autres États, car il est difficile pour les puissances voisines de prendre au sérieux un pays où la résidence de l'élite politique ressemble à une punaise.
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